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UN MONDE D'AVANCE- SECTION LEON BLUM
22 juin 2007

NOTABLES OU GAUCHE REELLE, PAR REMI LEFEBVRE

Le parti doit sortir de l'électoralisme et engager sa rénovation. Renouer avec les militants est vital

Les socialistes viennent d'inventer les défaites victorieuses. La fête de la défaite, orchestrée par Ségolène Royal le soir du 6 mai, avait troublé les esprits. Depuis dimanche soir règne au PS un climat d'autosatisfaction surréaliste. La débâcle électorale, aux termes de quatre tours de scrutin, a bien pourtant eu lieu. S'enorgueillir de quelques dizaines de députés de plus a quelque chose de pathétique. Se draper de la légitimité de 17 millions de voix, dont une majorité a plus voté par rejet que par adhésion à la candidate, a quelque chose de dérisoire.

Cette réaction en dit long sur l'état du PS. Les socialistes n'auraient-ils encore rien compris ? Voulaient-ils réellement exercer le pouvoir ? Il est permis d'en douter tant ils ont accumulé échecs et fautes stratégiques. Chez certains dirigeants, les vieux réflexes " molletistes " resurgissent : " Laissons le pouvoir à la droite, il y a trop de coups à prendre dans un environnement économique hostile à la social-démocratie, replions-nous sur nos positions locales qui font vivre le PS. " Et puis la droite se charge de nommer au gouvernement les socialistes les plus impatients... Les socialistes ont les yeux rivés sur les élections municipales au nom desquelles le congrès de la refondation est différé.

La légitimité électorale est devenue au PS exclusive de toute autre, interdisant et stérilisant toute réflexion de long terme. Avec ses 40 000 élus (un militant sur trois avant la vague d'adhésions de 2006), le PS est devenu une machine électorale professionnalisée dominée par des luttes de pouvoir essentiellement locales. Il a perdu ainsi toute autonomie par rapport aux enjeux de pouvoir, d'où un certain désinvestissement intellectuel. L'horizon des socialistes se borne de plus en plus aux prochaines échéances électorales, le pragmatisme prenant le pas sur toute considération de plus long terme.

Les victoires aux régionales et européennes de 2004 doivent de ce point de vue être méditées : elles ont eu alors valeur d'absolution de l'échec de 2002, redonné crédit à la thèse voyant dans le 21 avril un " accident ". Elles ont abusé les socialistes sur leur capacité de victoire et l'ont conduit à abandonner le terrain de la rénovation. Pour le PS, les élections intermédiaires vont peut-être devenir les élections centrales entre deux élections nationales !

La foi que les socialistes mettent dans les sondages traduit bien la prégnance de ce " court-termisme " et cet électoralisme. Les enquêtes d'opinion sont devenues l'unique étalon des socialistes, leur seul critère de jugement, leur unique boussole ! Ils ont pesé sur la désignation de la candidate socialiste lorsqu'elle était au sommet d'une popularité qui a trompé les militants. Ségolène Royal, l'" opinionomane ", a suivi avec un zèle constant pendant la campagne des sondages qui ont déterminé largement sa stratégie, le choix de ses thèmes de campagne, le ciblage de l'électorat " bobo " et de l'électorat centriste, au mépris des orientations du parti, avec le succès final que l'on sait.

C'est sur la foi des sondages qu'elle s'est mise à distance de l'appareil socialiste, de son projet, de ses " éléphants ", voire de ses militants, jugés ringards. Par un stupéfiant coup de force rhétorique, elle reproche pourtant aujourd'hui à ce même parti de ne pas l'avoir soutenue.

Les socialistes sauront-ils prendre le temps de la réflexion ? Le " séisme " du 21 avril n'a pas conduit les socialistes à entreprendre une véritable rénovation organisationnelle, pourtant indispensable. Les congrès de Dijon et surtout du Mans n'ont clarifié ni la ligne idéologique du PS ni amorcé un renouvellement de ses pratiques et de ses dirigeants. Le PS qui a affronté les échéances de 2007 était socialement peu représentatif, refermé sur lui-même, peu en prise avec la société et incapable de la mettre en mouvement et d'en mesurer les évolutions.

La véritable " rénovation sociale-démocrate " n'est peut-être pas là où on l'a croit. Elle ne tient à un aggiornamento qui, s'il n'a pas pris la forme d'un Bad Godesberg, a bien eu lieu. Elle passe par la réinvention d'un parti plus militant et mieux ancré socialement. Le " socialisme du réel " que d'aucuns appellent de leurs voeux est à ce prix.

Source : Le Monde daté du 23 juin 2007. Rémi Lefebvre est Professeur de sciences politiques à l'université de Reims.

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