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UN MONDE D'AVANCE- SECTION LEON BLUM
6 septembre 2007

BENOIT HAMON : "IL Y A UNE DROITISATION DES ELITES SOCIALISTES "

BENOIT_HAMONBenoît Hamon, quadra, député européen et porte-parole du PS, craint une présidentia-lisation du PS et dénonce les « conversions » rapides.

François Hollande a esquissé des réformes idéologiques et organisationnelles. A-t-il l’autorité suffisante pour les mener ?

Benoît Hamon : Le problème n’est pas un problème de légitimité ou d’autorité. Les difficultés du Premier secrétaire aujourd’hui sont le résultat d’une forme de crise morale : certains ont des difficultés à considérer que la délibération collective les engage ; la pipolisation et la personnalisation du débat politique a considérablement meurtri le PS. Quand tous les partis sociaux-démocrates sont confrontés à la crise des instruments de redistribution et de régulation, la logique serait de se retourner vers le parti et de faire confiance à sa capacité de produire de l’intelligence collective. Aujourd’hui, c’est cette difficulté à faire fonctionner un collectif qui caractérise le PS. Le Premier secrétaire ne peut pas être seul en cause.

Quand les soi-disant rénovateurs s’expriment essentiellement à l’extérieur du parti, participent-ils de cette dégradation des comportements ?

Le problème serait de ne s’exprimer qu’exclusivement dans le champ médiatique, et absolument pas dans les lieux de discussion, de débat et de délibération. Cela date du débat d’investiture à la présidentielle quand, après qu’on eut construit un parti de 300 000 adhérents, quelques-uns ont pris conscience qu’une grosse moitié, si ce n’est les deux tiers des militants, participaient peu à la vie du parti et construisaient leur opinion et leur vote en fonction de la manière dont les débats étaient restitués médiatiquement. Ce choix de parler à l’opinion pour conquérir une majorité à l’intérieur du PS a été celui de Ségolène, lors du débat d’investiture. Je ne comprends pas bien les rénovateurs dont le discours consiste à dire « il faut débattre » et qui ne sont pas dans le débat, qui disent « il faut davantage de démocratie » et proposent qu’on abandonne la proportionnelle pour passer au scrutin majoritaire, qui donnerait tous les pouvoirs à une seule sensibilité, ce qui serait l’extinction du débat.

Cet abandon est une des pistes proposées par François Hollande.

Il y a une contradiction à être pour la parlementarisation de la République et la poursuite de la présidentialisation du PS. François Hollande veut ainsi stabiliser le conseil national, mais je ne vois pas, dans le passé récent, de moment où le conseil national (constitué à la proportionnelle) aurait empêché l’exécutif socialiste de bien fonctionner. Je suis attaché à la représentation proportionnelle des sensibilités du PS sur des textes et des orientations, sinon on va poursuivre une présidentialisation dont on a déjà suffisamment payé les dérives.

Cette présidentialisation ne traduit-elle pas une droitisation du PS, sensible sur nombre de sujets clés ­ travail, sécurité, protection sociale...>

On est contraint de composer avec la présidentialisation de la vie politique française. Cela étant dit, on n’est pas du tout obligé de présidentialiser en retour le fonctionnement du PS, ce qui en ferait un parti entièrement dédié dans son organisation à la préparation des seules élections présidentielles. Ce serait une erreur. Maintenant, il est clair que le symptôme d’une droitisation du discours politique d’un certain nombre de dirigeants socialistes s’incarne dans des emprunts philosophiques et intellectuels à la droite. La dénonciation de la société de l’assistanat en est un, qui n’a rien d’une approche réaliste des problèmes.

Cette droitisation gagne du terrain dans le parti...

Elle gagne médiatiquement du terrain ! Ce qui est frappant, c’est l’évolution de quelques-uns sur des sujets comme celui-là. On avait hier, notamment dans la minorité à gauche du PS, des dirigeants du parti qui étaient bouillonnants et qui en sont à énoncer ce qu’ils dénonçaient il y a moins d’un an.

Vous pensez à Arnaud Montebourg ?

Oui, le tournant qu’il a opéré est assez stupéfiant. J’ai compris que son objectif est la respectabilité. Mais on ne peut pas être respectable et contester que derrière la dénonciation de la société de l’assistanat il y a d’abord, de la part de la droite, une volonté de démanteler les régimes sociaux ­ ce n’est pas le cas d’Arnaud ­, de démanteler la Sécurité sociale et le modèle social français. Et surtout la conviction qu’il existe une forme de classe parasite qui empêche tout le monde d’avancer aussi vite qu’on le souhaiterait. Les conversions au sommet me préoccupent plus que celle de la base ou de l’électorat. La conversion des élites crée un effet d’optique. Cette droitisation des élites socialistes ne signifie pas une droitisation de la société française.

N’est-elle pas préoccupante pour l’avenir du PS quand, comme vous le dites, plus de la moitié des adhérents tiennent compte essentiellement d’un rendu médiatique, qui accorde une belle audience à ceux qui tiennent ces discours ?

Je ne conteste pas que la bataille sera âpre et je suis de ceux qui souhaitent que la clarification ait lieu. Je ne suis pas du tout découragé. Malgré ce matraquage, la base résiste plutôt bien. Ces débats de clarification ont eu lieu en Allemagne, en Italie ou aux Pays-Bas. Ils ont produit dans deux cas des scissions, et, dans le troisième, la scission est probable. Il faudra éviter que le PS lui-même explose sur ces questions politiques à force de tirer la corde.

Source : Politis en date du 6 septembre 2007. Propos receuillis par Michel Soudais.

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