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UN MONDE D'AVANCE- SECTION LEON BLUM
22 octobre 2007

HISTOIRE : LES 48 MARTYRS DU 22 OCTOBRE 1941

PS_NPS_RG_CARRIERE_FUSILLESÀ rebours de l’approche purement émotionnelle prônée par Nicolas Sarkozy, un véritable hommage aux 48 otages, dont Guy Môquet, fusillés en représailles de l’exécution d’un militaire allemand à Nantes, nécessite de resituer leur martyre – et leurs écrits – dans le contexte politique de leurs engagements et de la Résistance.

Le 20 octobre 1941, à Nantes : un lieutenant colonel allemand est abattu par trois résistants. En réaction, les autorités d’occupation décident de « frapper » avec la plus grande sévérité. Une proclamation est affichée : 50 otages au moins seront fusillés si les « terroristes » ne se livrent pas.

Deux jours plus tard, 48 otages sont fusillés en représailles. Parmi ces 48,on en connaît surtout 27, jusque-là internés au camp de Châteaubriant, présentés comme communistes. 16 autres, originaires de la région, sont exécutés à Nantes, et 5 au mont Valérien, près de Paris.Tels sont les faits.

Enjeu de mémoire

La suite ? Les enjeux de mémoire ont vite pris le dessus. Les 27 ont été très tôt mis en avant par le Parti communiste, dans sa soif d’apparaître comme le parti de la Résistance,et donc de récupérer l’héritage. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une autre récupération avec la pitoyable « affaire » Guy Môquet initiée par le président de la République. Qui pourrait être opposé à une remise au premier plan de la Résistance, de ses valeurs? Certes… mais autrement, dans un autre contexte,au-delà de tout sentimentalisme, en accompagnant la lecture de ce texte d’une véritable explication. Avec une démarche historique et non pas passionnelle. Sans doute pas, non plus, en introduisant une notion d’obligation chez les enseignants, dimension plus que désagréable.

La lettre du jeune Guy Môquet a «ému» le président de la République… L’émotion deviendrait- elle un mode de gouvernance ?

Cette lettre mérite bien sûr de passer à la postérité, qui le niera? Mais il faut aller plus loin. En ce même mois d’octobre 1941, d’autres otages ont eux aussi écrit des lettres à leur famille. Plus politique (mais son auteur était d’une autre génération), celle du radical-socialiste Léon Jost, un des 16 Nantais, ancien combattant de la Première Guerre mondiale, blessé au combat, amputé d’une jambe. Il écrit à son épouse le 22 octobre : "Je vais mourir pour la France !" Il ajoute un peu plus loin : "Adieu, mon aimée, je vais réaliser mon voeu, je vais mourir en soldat." Jost situe son décès dans un cadre précis : il meurt pour son pays, ce pays qu’il voulait libérer.

Autre lettre d’otage, celle d’Alexandre Fourny, socialiste, ancien conseiller général,ancien adjoint au maire de Nantes. Lui aussi écrit à sa femme : "Je mourrai en Français, heureux d’avoir pu rendre service à des Français, dans des conditions parfois délicates. Puisse ma mort alléger le sort de mes compatriotes."

Trop longtemps, la Résistance a été un enjeu de mémoire, Châteaubriant en a offert l’exemple.Il faut que cela cesse. Il y a quarante ans, en 1967, pour la première fois sans doute, un socialiste a pris la parole à la manifestation anniversaire des otages. L’évolution mérite d’être notée. Dans son propos liminaire, il déclarait : "Je sais que certains de mes amis s’étonneront de ma présence ici aujourd’hui. Déjà plusieurs d’entre eux m’ont fait part de leur incompréhension devant mon acceptation de l’invitation qui m’était faite. Si l’on veut me comprendre, que l’on écoute ceci, et que l’on se souvienne de l’horreur d’un passé si proche à nos esprits." Ce socialiste- là était Georges Brutelle, ancien de Buchenwald où il avait été déporté pour faits de résistance à 21 ans. Intervenant à Châteaubriant, il mesure luimême ce que la situation a d’inédit, et il lance un message politique et d’une grande noblesse à la fois : "Il ne saurait y avoir de monopole du martyre, de même qu’il n’y a pas de monopole de la résistance."

Sens du combat

Dans son intervention, Brutelle rappelle le sens du combat des résistants, entend mobiliser les énergies en s’inspirant de leur exemple, pour "ouvrir les voies d’un monde meilleur à une humanité encore en proie aux démons du profit personnel illégitime et sans contrôle, de l’autorité politique et économique usurpée, de l’ignorance, de la faim et de la guerre". Ce jour-là, conclut-il, «ne pourra nous rendre nos martyrs. Au moins donnera-t-il à leur sacrifice tout son sens ».

Certes, de tels propos étaient tenus par un survivant de la guerre… et de nouvelles générations se sont levées depuis. Mais ces survivants eux-mêmes se refusaient à tout sentimentalisme, en posant les vraies questions. On ne peut que regretter qu’elles ne l’aient pas été aujourd’hui.

Source : Denis Lefebvre, L'Hebdo des socialistes, n° 464, Samedi 3 novembre 2007. Journaliste de formation, Denis Lefebvre est Secrétaire général de l’Office universitaire de recherche socialiste (OURS). Il s’est spécialisé dans l’histoire du mouvement socialiste français depuis le XIXe siècle.

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