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UN MONDE D'AVANCE- SECTION LEON BLUM
21 décembre 2007

"SARKOZYSER" OU PAS LA REPUBLIQUE, PAR PATRICE JARREAU

Au vu de la manière dont Nicolas Sarkozy exerce, depuis sept mois, la fonction de président de la République, on ne comprend pas pourquoi il veut réformer la Constitution. S'il s'agit d'étendre les pouvoirs du président, ce n'est pas la peine, c'est déjà fait. Quant à les restreindre, au contraire, personne ne croira qu'il puisse y songer sérieusement. Ne vaudrait-il pas mieux éviter de perdre du temps en vaines palabres sur un projet qui ne présente vraiment d'intérêt pour aucune des "parties", selon le mot choisi par François Fillon pour désigner, dans Le Monde du 20 décembre, le président et le Parlement, la majorité et l'opposition, la droite, le centre et la gauche ?

Si l'Elysée persévère dans sa volonté d'engager la procédure de révision de la Constitution, c'est d'abord parce qu'il y va d'un engagement présidentiel. L'adaptation du régime aux évolutions politiques et sociales figurait dans le programme du candidat de l'UMP. Deux mois après son entrée à l'Elysée, il a nommé un "comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République", associant des personnalités de tous bords et présidé par Edouard Balladur. Celui-ci lui a remis, fin octobre, un rapport comportant 77 propositions de réforme, les unes touchant à la Constitution, les autres concernant des sujets qui relèvent de la loi. Le chef de l'Etat a fait son choix parmi ces propositions et adressé au premier ministre, le 12 novembre, une lettre lui demandant d'ouvrir une concertation avec les partis politiques.

Renoncer à cette entreprise, faute de pouvoir réunir les trois cinquièmes des suffrages exprimés par les députés et les sénateurs réunis en Congrès, serait un grave revers pour Nicolas Sarkozy. C'est une première raison, pour lui, de vouloir aboutir, fût-ce en limitant la réforme à peu de chose. Une deuxième raison est l'"ouverture". Le président cherche toujours à désarmer les oppositions : isoler davantage encore François Bayrou en arrimant les centristes à la droite, obliger les socialistes à devoir choisir entre l'immobilisme contre lui ou la réforme avec lui.

C'est pourquoi la partie engagée autour des institutions, pour complexe et aride qu'en soit la matière, n'en est pas moins politiquement importante. Evidemment, alors que la conjoncture économique est inquiétante et que l'on débat aujourd'hui de la durée du travail et de sa rémunération, demain des retraites, la question de savoir si le président de la République doit pouvoir s'adresser en personne aux députés, aux sénateurs ou à l'ensemble des parlementaires ne s'impose pas à l'esprit comme une urgence. Mais c'est sur elle que se concentre le conflit entre l'Elysée et le PS.

Si l'interdiction faite au président de pénétrer dans l'enceinte du Parlement renvoie à des épisodes antiques de l'histoire des rapports entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif après la Révolution de 1789, l'abolition éventuelle de cette règle n'est pas une simple adaptation ni un dépoussiérage. Permettre au président d'accéder aux tribunes des Assemblées a pris le sens d'une validation de la pratique de la fonction présidentielle par son détenteur actuel. Pour le chef de l'Etat et ceux qui l'approuvent, cette réforme valoriserait le Parlement, devant lequel le vrai "patron" aurait à rendre compte de son action, plutôt que de ne le faire qu'à la télévision et de se cacher, face aux élus de la nation, derrière le premier ministre.

Mais, pour les socialistes, l'entrée du président dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale consacrerait l'effacement du premier ministre et l'hypertrophie de la puissance présidentielle, qui caractérisent le quinquennat inauguré en mai. L'enjeu de la réforme n'est plus la modernisation des institutions. C'est la présidence de Nicolas Sarkozy.

Source : Le Monde en date du Samedi 22 décembre 2007. Chronique de Patrice Jarreau.

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