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UN MONDE D'AVANCE- SECTION LEON BLUM
15 février 2008

TOUT LE CONTRAIRE DU MALTHUSIANISME, PAR CHRISTIAN SAUTTER ET JEAN-LOUIS MISSIKA

Dans un article intitulé "Paris, capitale du malthusianisme", (Le Monde du 4 février) Eric Le Boucher dessine un tableau plutôt terrifiant de la capitale : "Paris perd ses emplois" ; "Paris expulse ses jeunes" ; "(...) politique malthusienne hélas soutenue par le maire de Paris"... On est en droit d'espérer des jugements plus rigoureux.

Ainsi, les derniers chiffres publiés par l'Insee confirment qu'après avoir perdu 170 000 habitants entre 1975 et 1999, notre ville en a regagné 44 000 ces dernières années. Ce fait démographique tord le cou à l'idée d'une ville qui "expulserait" encore et toujours ses habitants. Il illustre au contraire la vitalité retrouvée d'une métropole où la diversité s'inscrit à nouveau au coeur d'un projet urbain. La remarque s'applique également à l'emploi. En effet, pour sa "démonstration", l'auteur s'appuie ici sur des données statistiques tirées d'un texte de Laurent Davezies. Sans sombrer dans la bataille de chiffres, notons tout de même que les pertes réelles d'emplois à Paris sur la période 2000-2005 sont de moitié inférieures à celles reproduites dans l'article. Mais passons.

Soulignons en revanche que l'analyse ne saurait ignorer les évolutions les plus récentes : ainsi, Paris a regagné 11 000 emplois en 2006 et 10 000 au cours du seul premier semestre 2007. Notre cité compte aujourd'hui 55 650 entreprises de plus qu'au début de l'année 2001. Bien entendu, cette réalité n'est pas sans effet sur les chiffres du chômage. En effet, depuis octobre 2003, celui-ci a décru sans discontinuer de 28 %, à comparer, sur la même période, à une diminution de 18 % seulement en France. Le différentiel entre taux de chômage parisien et taux national n'est plus que de 0,3 %, soit l'un des plus faibles de la décennie.

Sur ce point, une remarque supplémentaire : si la thèse d'une chute sensible du nombre de sièges sociaux, d'entreprises et donc d'emplois était fondée, les pancartes "à louer" fleuriraient un peu partout à Paris. Ce n'est évidemment pas le cas. "Moins d'économie, moins d'emplois, plus de pauvres" ? C'est exact, la période 2000-2004 est marquée à Paris par un afflux de personnes sans emploi et d'intermittents du spectacle qui viennent grossir les rangs des RMistes. Encore faudrait-il préciser que ce constat, plus que d'un "déclin économique", est le produit direct de la réforme des régimes d'assurance-chômage...

Ni "égoïste", ni "anémiée"

Mais depuis trois ans, l'évolution s'est inversée : Paris connaît une baisse sensible (- 11,5 %) du nombre de personnes inscrites au RMI, comme l'illustrent les statistiques officielles sur la période 2005 à 2007. Tous ces faits conduisent à récuser l'idée selon laquelle les politiques menées depuis 2001 seraient d'essence "malthusienne". Prenons un exemple, très concret : entre 1995 et 2001, la précédente équipe municipale n'avait lancé aucune zone d'aménagement concerté (ZAC), générant à la fois un ralentissement des constructions de logements au début des années 2000 et un départ de sièges sociaux, faute d'espaces disponibles. L'équipe animée par Bertrand Delanoë a pris le contre-pied d'une telle approche : son plan local d'urbanisme (PLU) intègre 2 millions de m2 de pépinières et incubateurs d'entreprises ont été réalisés, chiffre que nous allons plus que doubler d'ici à 2014.

Autre engagement majeur : investir 1 milliard d'euros au service de l'innovation, c'est-à-dire de la recherche, de l'université et des PME innovantes. De même, dès 2012, l'ensemble du territoire parisien sera couvert en fibre optique, faisant de notre cité l'une des capitales du très haut débit. L'impact prévisible, pour les particuliers mais aussi pour les entreprises, est évident. Ces actes traduisent une volonté politique claire et une attention volontariste pour "la santé du capitalisme local", selon l'expression de M. Le Boucher. Pourquoi opposer, d'ailleurs, cette santé-là à celle des Parisiens, même si l'on sent bien, dans l'article incriminé, une forme de dédain pour l'exigence environnementale qui est aussi au centre de l'action municipale actuelle ? Programmer 200 000 m2 de panneaux photovoltaïques ou faire naître de véritables éco-quartiers à Paris, est-ce la quintessence du malthusianisme ?

Nous rejoignons en revanche Eric Le Boucher quand il souligne la nécessité de raisonner à une autre échelle et de favoriser l'émergence de "Paris métropole". C'est tout le sens de notre projet, ce qui impliquera y compris une solidarité fiscale dans le cadre d'une nouvelle structure institutionnelle que nous appelons de nos voeux. Bertrand Delanoë est le seul, aujourd'hui, à le dire aussi nettement. Ni "égoïste" ni "anémiée", Paris n'est pas cette cité rabougrie que décrient certains.

S'inscrit-elle "dans la compétition mondiale des métropoles du XXIe siècle" ? Pour répondre à cette interrogation décisive, qu'il nous soit permis de rappeler que, dans une étude récente réalisée auprès de décideurs internationaux, le cabinet Cushman et Wakefield place l'attractivité de Paris devant celle de Londres en termes d'intentions d'investissements pour les cinq prochaines années. Mais Malthus n'était-il pas britannique ?

Source : Le Monde en date du Samedi 16 janvier 2008. Christian Sautter est adjoint aux finances (PS) au maire de Paris et Jean-Louis Missika est professeur à Science Po Paris, candidat (PS) dans le 12e arrondissement.

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