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UN MONDE D'AVANCE- SECTION LEON BLUM
23 mars 2008

A PARIS, LA MAGIE ARCHITECTURALE DU QUARTIER MASSENA

PS_NPS_11_PROJET_DEMIANS_MASSENALa ZAC Masséna, aux confins de la Seine et du boulevard périphérique, représente presque la moitié de l'opération Seine Rive gauche, qui restructure une bonne partie du 13e arrondissement de Paris. Le site est déjà largement occupé. C'est un programme urbain et architectural ambitieux, qui mêle du logement, des bureaux, des bâtiments administratifs et universitaires.

La ZAC a été confiée à trois architectes : Christian de Portzamparc (Masséna-nord, la zone la plus propice à l'imagination), Yves Lion (Masséna-sud, la plus difficile par la part d'infrastructure qu'il comporte, et qui est toujours en cours d'étude), Bruno Fortier (Masséna-Chevaleret, le plus délicat par son rôle de charnière avec le vieux 13e).

Christian de Portzamparc, premier Français à avoir obtenu le prestigieux prix Pritzker, a mis ici en oeuvre sa théorie dite de l'"îlot ouvert". A grande échelle. L'îlot ouvert, en rupture avec la vision moderniste des tours et des barres, mais éloigné de l'uniformité monolithique du bloc haussmannien, rassemble des bâtiments autonomes autour d'une rue traditionnelle. La hauteur des immeubles est limitée sans être identique d'un bâtiment à l'autre. Les façades sont en général alignées, mais sans continuité d'une construction à l'autre.

Il propose une vision contemporaine empreinte d'une forme de certain lyrisme, un "bocage urbain" caractérisé par la diversité des constructions : si le plan général du quartier (dimensions et emplacement des constructions) reste de la responsabilité du coordinateur Portzamparc, la conception précise des bâtiments est confiée à d'autres architectes, ce qui autorise une grande diversité.

La ZAC Masséna se présente comme un spectacle urbain, une sorte de ballet inspiré de L'Ile mystérieuse de Jules Verne, avec tous les ingrédients qui en font la magie. Ce ballet sur les bords de Seine est l'occasion de présenter une collection de modèles architecturaux rares, extravagants, bizarres, qui font alterner masses de béton et de couleurs, coins et recoins emplis de végétation, d'où l'on s'attend à voir s'élancer bonobos et chimpanzés.

C'est aussi une alternance très théâtrale d'édifices neufs et récupérés, les uns destinés à l'université Paris-Diderot (partie du 5e arrondissement pour laisser respirer Jussieu), les autres au logement de ce nouveau Quartier latin.

A l'origine, le secteur Portzamparc a été meublé par trois équipes d'architectes. Ce furent d'abord Rudy Ricciotti et Nicolas Michelin, le premier pour réaménager les Grands Moulins, le second la Halle aux farines - ils firent les acrobates pour se tirer, en finesse, des postures ingrates imposées par ces bâtiments. Tous deux ont été rejoints par l'équipe d'architectes Chaix et Morel, qui ont livré un bâtiment tout neuf : Condorcet, l'UFR de physique neuf, d'une rigidité néomoderne plaquée de grands pans de brique rouges et gris.

L'ensemble est tempéré par l'intermède clownesque de l'édifice baptisé Biopark, un désastreux immeuble industriel des années 1980, reprofilé, non sans peine, dans le vocabulaire métallique d'une volière du Jardin des plantes, par le tandem d'architectes Valode et Pistre.

Depuis, d'inauguration en inauguration, où les logements succèdent aux bureaux et aux bâtiments universitaires, les étoiles du spectacle s'installent dans la ZAC entourés de quelques heureux figurants de l'architecture.

Derniers en date : les bâtiments Lamarck (construit par Jean Guervilly et Françoise Mauffret) et Lavoisier (Agence X-Tu : Nicolas Demazières, Anouk Legendre, Dolorès Ruiz). Ces bâtiments construits par la Ville de Paris accueilleront les enseignements de sciences de la vie et de la Terre, et de chimie.

X-Tu - drôle de nom - détourne avec beaucoup de grâce et sans ménager les surprises sa vocation chimique, l'UFR devenant la métaphore composite d'un alambic et d'un ordinateur, sympathique machine phosphorescente et bouillonnante. Jean Guervilly s'est placé dans un registre presque inverse, masquant en façade les vertus biologiques de Lamarck derrière un béton anthracite et un jeu d'ouvertures dont la distinction indiscrète rappelle les vitrines d'un grand couturier.

Cette tenue de soirée est d'ailleurs dessinée avec un soin (elle n'est pas la seule dans le quartier) aussi éloigné des universités françaises, pauvres et roboratives, que des campus anglo-saxons, ouverts et bucoliques. Nous sommes ici en ville. Ce que vient aussi prouver l'organisation composite du bâtiment Buffon, où sont regroupés les locaux d'enseignement et les laboratoires de biologie de la même université Paris-VII (architectes : François Chochon et Laurent Pierre).

Ce bâtiment universitaire dessiné par Chochon fait écho à l'Ecole d'architecture imaginée par Frédéric Borel, ouverte en octobre 2007, dans la même ZAC, en bord de Seine. Les deux architectes sont des anciens de l'agence Portzamparc. Borel s'est installé dans le registre de la fraîcheur, jouant à merveille des entrechats structurels, un rien maniéré mais aussi séduisant qu'il se peut pour les premiers rangs des spectateurs du cirque architectural. Chochon, lui, s'est taillé un costume un peu encombrant marqué par la diversité des matériaux, de la brique au béton et du métal au verre, sans compter un beau nuancier de couleurs.

Le costume est finalement si présent qu'on le prendrait lui aussi pour un élément du décor, mais il faut entrer dans son jeu pour comprendre comment, derrière cette apparence complexe, s'organisent les volumes et des circulations.

Les îlots ouverts de Portzamparc ont pris dans le secteur Seine Rive gauche la suite d'une production moins théâtrale dont le livret se résume à une opération classique de basse promotion, surchargée en bureaux aux dimensions brutales (la fameuse avenue de France, organisée sans queue ni tête, au propre comme au figuré).

On attend maintenant l'entrée en scène des dernières vedettes, comme Yves Lion, lauréat du projet pour l'Institut national des langues orientales (les fameuses Langues O').

Source : Le Monde en date du dimanche 23 mars 2008. Article de Frédéric Edelmann. Photographie : Mairie de Paris, le projet de l'architecte Demians pour le quartier Masséna.

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